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Un Film de Christian Wagner Scénario Stefan Dähnert

produit par Claussen+Wöbke+Putz Filmproduktion
& Christian Wagner Film & Co-produtcion: Bayerischen Rundfunk & Norddeutschen Rundfunk.
Dévéloppement et supporté par MEDIA & FFF Bayern

BR   NDR

CWP

Media  FFF

Juge pour mineurs à Berlin, Kirsten Heisig s'est suicidée le 28 juin 2010.L'œuvre de sa vie, le fameux "modèle Neukölln", est toujours en vigueur. Ce film est basé sur son livre "Ende der Geduld", qui a été publié peu après sa mort... et a suscité un débat animé cette année-là.

Der Al Wahid Clan

 

//// Interview du réalisateur Christian Wagner ////

Comment peut-on aborder ce type de sujet ?

Nous avons eu une longue phase de recherches sur le terrain à Berlin. Nous avons vite constaté combien l’engagement et le travail de prévention de la juge en question avaient une raison d’être. Et combien ils restent plus pertinents que jamais avec plus de 500 jeunes récidivistes recensés dans la capitale. Mais notre société allemande actuelle a plutôt tendance à vouloir ignorer ou fermer les yeux face à ce type de problèmes. Ce qui conduit à l’émergence d’une société parallèle avec ses propres lois, dont nous ne réalisons l’existence que lorsque nous sommes personnellement touchés en tant que victimes. Pour le film, il nous a donc fallu d’abord poser moult questions, nous faire expliquer le fonctionnement de ce fameux „modèle Neukölln“ mis en place par Kirsten Heisig.

Quelles ont été vos priorités dans l’écriture du scénario ?

Ce film veut rendre hommage à cette juge en rappelant l’ampleur de son engagement. En mettant surtout en exergue les contributions positives qui ont été es siennes. En répétant que cela vaut la peine de se battre pour chaque mineur pris individuellement pour qu’il s’en sorte! Pas question dans notre film de prôner le règne de la Loi et de l’Ordre. Nous voulons par contre montrer que c’était le cœur de la juge qui lui enjoignait d’empêcher les jeunes délinquants de récidiver et de sombrer à jamais dans la criminalité. Cela supposait d’être ferme dès le départ et de définir clairement les limites. Je trouve cette démarche passionnante. Kirsten Heisig traitait notre état de „tigre édenté“. Je me suis en effet d’abord imprégné de son livre posthume, un best-seller que les gens ont vraiment lu. Ensuite, il nous a fallu vérifier sur le terrain les faits et les détails mentionnés. Ces recherches nous ont confirmé la pertinence des thèses émises dans le livre. Mais pour le film, cela devait obligatoirement passer par une approche beaucoup plus émotionnelle. Pour rendre les choses palpables, il était indispensable d’aller régulièrement au tribunal, d’assister à des comparutions de mineurs et de se fondre dans la vie du quartier. Je suis aussi allé voir en détention l’un des anciens prévenus jugés par Heisig. Cela a provoqué un déclic décisif chez moi et cette expérience a ensuite nourri le développement du scénario avec Stefan Dähnert puis mon propre travail de réalisateur. Notre juge avait parfaitement raison de faire preuve d’impatience, elle avait bien radiographié la réalité de la situation, fût-ce-t’elle gênante. Moult personnes se sont retrouvées désemparées après le suicide inattendu de Kirsten Heisig. C’est un aspect qui nous importe aussi, car il symbolise une forme de burn-out qui paraît de plus en plus répandue aujourd’hui.
Je préciserai enfin que nous avons trouvé à Neukölln un type de milieu bien défini qui induit un questionnement universel: où et comment définir des limites qui soient sensées?

Quelle est la fonction d’un film de fiction par rapport à un reportage ? En quoi peut-ille refléter une histoire réellement vécue?

Lorsque j’étais assis en séance lors de procès au tribunal d’instance de Berlin-Tiergarten, je me suis dit plusieurs fois qu’il serait bon que le public sache ce qui s’y déroule. Or les caméras sont interdites dans les salles d’audience! Alors j’ai arpenté tous ces lieux où Kirsten Heisig rendait ses jugements. J’ai ressenti cette atmosphère particulière et ai éprouvé le besoin de réaliser un film qui émeuve et fasse réfléchir, qui induise une tension à travers une histoire pertinente. „La réalité dépasse la fiction“ a-t-on coutume de dire et il est vrai que certains éléments de la vraie vie sont absolument fascinants inattendus ; comme des perles rares que l’on découvre et qu’il s’agit ensuite d’intégrer dans une chaîne d’émotions. On parvient ainsi à une sorte d’exacerbation de la réalité. Ce n’est pas du naturalisme, c’est du réalisme. Nous partons de faits authentiques, nous suggérons en donnant au spectateur l’impression d’être partie prenante, d’assister aux évènements.
Sauf que cela passe par le biais de la fiction. Il faut créer une tension pour ne pas ennuyer le public. Nous voulons d’une certaine façon le séduire pour l’inviter à aborder une problématique pour le moins sérieuse et ardue. Y compris en passant par des scènes drôles et divertissantes comme celle de la poursuite en voiture qui a été fort excitante à tourner au cœur même de Neukölln.

Dans quelle mesure avez-vous suivi le livre de la juge ?

Son ouvrage était rédigé un peu comme une déclaration d’intention. Il me fallait à moi une ligne narratrice rigoureuse, donc laisser de côté nombre d’éléments pour extraire l’essentiel. Faute de quoi, mon film aurait duré 16 heures! Concrètement, j’ai repris par exemple un cas décrit par Heisig dans un chapitre intitulé „John - Tragik eines Punkerlebens“ (tragédie d’une vie de punk). Il avait écrit le poème „Finsternis“ (Obscurité) qui est dit dans le film par la jeune fille punk du début. Ce John – qui s’appelle bien sûr autrement -,. je suis allé le voir en prison et il m’a confié comment lui, il avait apprécié sa juge. Heisig lui d’ailleurs avait également rendu visite en détention. Mais l’art de la dramaturgie filmique suppose de concentrer, de mettre en avant des points précis. D’où la constitution d’une mosaïque composée d’une myriade de petites pièces, un travail de bricolage en quelque sorte. Avec des idées venues de mon imagination, mais où tout s’inscrit dans la lignée du message délivré par cette juge hors du commun

Votre titre „Das Ende der Geduld“ - en français „La patience a des limites“ – est-ce un appel lancé au spectateur ? Vous attendez quelle réaction de sa part?
 
Pour chacun de mes films, j’ai toujours eu un objectif précis que je souhaite faire partager aux spectateurs; il s’agissait cette fois de montrer une personne engagée qui ne se contente pas du statu quo, qui essaie de lancer des alertes dans un monde saturé de tout, qui exhorte à agir autrement. Kirsten Heisig était une combattante pour une bonne cause. Elle savait „mettre le doigt là où ça fait mal“, en particulier face à des autorités et administrations peu enclines à réagir rapidement. D’où son impatience, dont parlent ceux qui l’ont connue. Et le titre de ce livre qui était tout un programme! Elle n’aimait guère les réponses toutes faites et les manœ uvres dilatoires. Elle n’appréciait pas qu’on la fasse attendre et n’hésitait pas à dire qu’elle allait en référer à la presse. Ce qu’elle ne s’est pas privée de faire lors de diverses interviews ou émissions de télévision.
Au grand dam de certains. Elle a ainsi jeté des pavés dans la mare et obligé d’aucuns à réfléchir. Je souhaite que le spectateur apprenne à être plus vigilant. Qu’il s’informe - qu’il s’agisse de la justice ou de la situation des jeunes et des migrants. Qu’il s’intéresse aussi à ceux qui sont dans son environnement immédiat. Quant à ce qui s’est passé peu après que la juge Heisig ait mis la dernière main à son manuscrit, cela restera à jamais son secret. Et un drame. Disons que mon film est également un plaidoyer contre l’indifférence. Pour que chacun laisse son cœur parler. Le monde en serait peut-être meilleur qu’il n’est...


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